CONFÉRENCE ET DÉBAT
« Laïcité : petite histoire d’un grand idéal »
Vendredi 11 décembre à 19 h à l’Espace Toumaï (gare SNCF)
par HENRI PEÑA-RUIZ
philosophe et écrivain
Dernier ouvrage paru : Dictionnaire amoureux de la laïcité
(Editions Plon) Prix national de la laïcité 2014
Laïcité : histoire, philosophie, droit.
L’idéal laïque…Faite pour tout le peuple, la République laïque libère le droit de ce qui divise les hommes. Ni religions reconnues, ni athéisme consacré. Une même loi vaut pour tous, et elle ne doit viser que l’intérêt général. A la liberté de conscience se conjugue la pleine égalité de celui qui croit au ciel et de celui qui n’y croit pas. Laïcité : un idéal de concorde, fondé sur une haute idée de l’homme et de la Cité.
L’histoire, la philosophie et le droit, permettent de comprendre le sens et les principes d’un tel idéal.
L’histoire, sorte de démonstration par l’absurde, montre ce qui se passe quand il n’y a pas laïcité, c’est-à-dire quand religion et politique se mêlent et se corrompent mutuellement. L’intolérance et les guerres de religion, la répression des hérétiques et les bûchers de l’Inquisition, la haine de la raison et de la science, entre autres, la consécration et la sacralisation du patriarcat qui opprime les femmes, ont marqué près de vingt siècles du devenir humain.
La philosophie, idéal d’une pensée libre et d’une distance critique à l’égard des préjugés, débouche sur une mise en cause de telles violences. Elle élabore les principes d’une refondation laïque du cadre politique pour permettre à tous les êtres humains de vivre ensemble. Liberté de conscience, égalité de droit des divers croyants et des athées, primat du bien commun à tous, peuvent alors fournir les bases d’un état de droit authentique.
Le droit, en affranchissant les lois de toute tutelle religieuse, permet à chacun de vivre librement ses convictions personnelles, sans discrimination ni privilèges. La puissance publique, devenue laïque, est désormais dévolue à l’intérêt de tous, donc à l’universel. Affranchie des traditions rétrogrades, elle fonde l’union des êtres humains sur des principes d’émancipation et non de soumission. La séparation de l’Etat et des Eglises permet à l’Etat de mieux se consacrer au bien commun universel, et aux Eglises de cultiver leurs spiritualités respectives de façon désintéressée, sans privilèges publics. Une authentique fraternité peut dès lors advenir.
Laïcité : questions vives et enjeux actuels.
L’enjeu actuel de l’idéal laïque est décisif pour plusieurs raisons.
Aujourd’hui, une inquiétante guerre des dieux se profile dans un monde où les crispations sur des identités imaginaires accompagnent l’inhumanité d’un mercantilisme sans rivages. Dans un tel contexte, l’idéal laïque, fait de confiance en une humanité accomplie et maîtresse d’elle-même, redonne un sens à l’espoir. L’égale liberté des êtres humains est au coeur de la laïcité. Leur union par l’intérêt général est assurée par une puissance publique, laïque, tournée vers l’universel, et soucieuse de l’émancipation de tous. Ainsi est évité le risque des replis communautaristes.
Quant aux conditions concrètes de l’égale liberté ainsi conçue, l’Etat laïque les assure pour tous s’il joue pleinement son rôle par la promotion de l’instruction publique et de la justice sociale. Contrairement aux particularismes exclusifs, la laïcité permet de concilier la diversité des croyances et des patrimoines culturels avec l’égalité des droits. Ainsi, le bien commun échappe à la guerre des dieux. Et l’ouverture à l’universel est préservée par l’espace civique.
La laïcité n’a rien à voir avec la logique du choc des civilisations chère à Samuel Huntington, ni avec la hiérarchisation ethnocentriste qui en est le corollaire. Adepte d’une telle idéologie, l’extrême droite ne défend pas la laïcité, mais en usurpe l’invocation. Sachons nous prémunir contre une telle imposture en nous souvenant que l’Humanité est une.
Un échange citoyen avec l’auditoire est prévu à la fin de la conférence.